Jean-Marie : - Nous avons choisi le regard et le comportement de Simon l’un des Douze apôtres - à qui Jésus va donner le nom de Pierre - pour donner notre perception de la mission de Jésus. Yves, peux-tu nous dire comment s’est effectuée cette rencontre ? Dans l’Evangile, les moments forts sont presque toujours des moments de rencontres entre des personnes ?
Yves : En effet, cette rencontre a lieu au bord du lac , là où ils travaillent : Simon et André sont des pêcheurs et ils jettent leurs filets – Jésus leur dit « Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes » - aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivent (Marc 1) ; les pêcheurs du lac ne se doutent pas de ce qui les attend en suivant Jésus ; ils n'imaginent pas où cette rencontre va les mener : il y a un avant et un après l'appel ; Jésus appelle Simon Kepha qui signifie 'rocher' : traduit en grec par 'petros' qui a donné Pierre en français.
JM : - Si je comprends bien avec Jésus, on peut changer d’identité. Même on peut être amené à changer de vie pour le suivre quand on devient chrétien.
Y : Oui et Jésus conduit ses disciples à révéler son identité par la fameuse question qu’il leur pose : « pour vous qui suis-je » ? Et Pierre répond spontanément : « tu es le messie » ; alors Jésus annonce à Pierre qu'il sera le fondement de son Église, en usant d'une triple image :
- la pierre : de même que Jésus est la pierre angulaire, ainsi Pierre, en devenant son délégué sur cette terre, sera l’élément stabilisateur de son Église ;
- les clés du royaume des cieux : de même que Jésus est la Porte, ainsi Pierre, en devenant son délégué sur cette terre, aura les clés du Royaume de Dieu" (Matthieu 16,19) ;
- le pouvoir de lier et de délier : de même que Jésus a le pouvoir de pardonner les péchés, de même les Apôtres, ses délégués, pourront pardonner les péchés en son nom. (Mt 16)
JM : Après la multiplication des pains, Jésus enseigne à Capharnaüm : « moi, je suis le pain vivant descendu du ciel ». Certains disciples se révoltent : « ce qu'il dit là est intolérable » et cessent de marcher avec Jésus.
Y : Alors Jésus demande aux Douze Apôtres : « Voulez-vous partir vous aussi ? » et Pierre répond : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (Jean 6).
JM : Mais il me semble que Jésus a eu du mal à faire comprendre sa manière d’être le Messie. Pour son entourage, ne s’agissait-il pas de prendre le pouvoir, d’être un peu des nababs, comme on le voit dans l’épisode de la Transfiguration où Jésus emmène 3 proches disciples sur une montagne. Il y a la tentation de rester en dehors des hommes d’en bas comme on dirait aujourd’hui ?
Y : Oui , Pierre aimerait bien rester sur la montagne « il est heureux que nous soyons ici ; dressons donc 3 tentes !» D’ailleurs il y a d’autres occasions où Jésus doit rappeler le sens de sa mission et préparer ses disciples à sa passion et à sa mort sur la Croix.
JM : Allons plus loin, comment Pierre acceptait-il l'annonce de la passion et de la croix ?
Y : Très mal, car il aimait tellement Jésus qu'il ne voulait pas entendre parler de souffrances et d'une mort infâme ; mais Jésus le rabroue vertement : « passe derrière moi, Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes »
JM : Tout n’est donc pas si simple dans ce que nous venons d'évoquer. Suivre Jésus dans sa mission semble très exigeant ; Pierre lui-même n'a t'il pas connu des doutes ?
Y : Oui , par exemple quand la barque des disciples est battue par les vagues durant la tempête (un peu à l’image de nos tempêtes intérieures) ; Jésus les rejoint en marchant sur l'eau ; Pierre va vers Jésus en marchant sur l'eau mais – voyant qu'il y a du vent – il a peur et commence à s'enfoncer : « Seigneur, sauve-moi » ; Jésus étend la main, le saisit, lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14)
JM : Pierre est tour à tour peureux, très colérique, on le voit quand Jésus voulait laver les pieds de Pierre que dit-il ?
Y : Pas question, répond Pierre, mais comme Jésus parle de le mettre à l'écart, alors il se ravise complètement.
JM : Dans cet épisode, nous voyons bien la perspective de Jésus : qui est servir les hommes et non prendre le pouvoir comme ce messie que les juifs attendaient. Enfin, au moment de la passion de Jésus, comment Pierre s'est-il comporté ?
Y : Carrément en lâche, en reniant 3 fois Jésus lorsqu'une servante le démasque avec son accent galiléen ; pourtant il avait manifesté auparavant une grande assurance : « Si tous viennent à tomber, moi je ne tomberai pas » (Marc 14). Ensuite, il a regretté amèrement ce reniement : « Et Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois. Et en y réfléchissant, il pleurait. »